"Une autre forme de tourisme a vu le jour dans les années 1990 : on ne part plus avec le seul but de découvrir une autre culture, mais parfois avec l’envie de rendre le monde meilleur. Et comme chaque demande rencontre son offre, le volontourisme (ou tourisme humanitaire) est en plein essor.
Cette pratique utilise la volonté de bien-faire du bénévole pour faire du profit. Profit notamment sur les conditions de vie précaires de certain·e·s habitant·e·s du monde. Pour autant, il existe de nombreux projets bénéficiant aux bénévoles qui vont dans le pays d’accueil comme aux pays qui les reçoivent. C’est le cas des projets pensés en co-construction. Des associations reconnues peuvent vous aider à préparer votre projet (les informations nécessaires sont à retrouver dans l’article La conception d’un projet solidaire).
Dans cet article nous aborderons le cas des enfants placés dans les orphelinats, qui aussi paradoxal que cela puisse paraître, ne sont pas tous orphelin·e·s ! Il arrive que leurs parents aient reçu de fausses promesses d’éducation et d’accès à une vie meilleure pour leur enfant de la part des propriétaires de ces établissements quand ils ne sont pas arrachés à eux ce qui s’apparente à de la traite d’enfants.
Une fois les accords obtenus pour créer un orphelinat (les autorisations sont plus ou moins restrictives en fonction des pays) et les enfants placés, il n’y a plus qu’à attirer la demande. Il importe de préciser qu’il n’y a pas toujours d’attentes professionnelles envers le personnel et les bénévoles venu·e·s apporter leur bonne volonté, alors que le cadre est sensible. Le risque est grand de dériver en « apprentis sorciers » avec la population locale. En comparaison, il serait inconcevable en France de laisser des personnes non-formées s’occuper de la santé et de l’éducation des enfants.
Les enfants s’attachent aux bénévoles éphémères, qui restent entre 2 semaines et 3 mois puis s’en vont. Ces derniers vivent cette expérience en imaginant pouvoir protéger les enfants sans se rendre compte des conséquences de ces actions sur le long terme. En parallèle, un sentiment d’abandon et d’avoir été utilisé peut être ressenti par les enfants qui ont étés pris en photo et ont reçu de l’affection sur une courte durée. Or un enfant se construit au travers des années, et avec des repères stables. Que leur environnement social change aussi souvent complique leur évolution et leur développement personnel.
Cette répercussion négative sur les enfants est intrinsèque à ce modèle économique et marque la différence par rapport à un modèle de solidarité forgé sur la volonté de respecter la population locale en la prenant en compte dans ses actions. Ainsi comme l’écrivait en 2016 la journaliste Isabelle Hachey de La Presse :
« Au Cambodge, les volontouristes créent eux-mêmes les orphelins qu’ils veulent aider à tout prix. »
Ce système engendre des relations différentielles et d’assistanat car il créé de nouvelles conditions de pauvreté. Le don, dans une relation entre égaux - car il s’agit de considérer la personne ou le groupe que l’on va rencontrer comme son égal – pour être juste doit être réciproque. Aider c’est aussi accepter d’être aidé, de se tromper et de demander à l’autre ce dont il a réellement besoin. Ainsi la bien-pensance, soit le fait de penser le bien, doit s’accorder à la bienfaisance, soit le fait de faire le bien en prenant en compte les conséquences d’une action pourtant motivée par une volonté positive.
Un projet co-construit avec un partenaire local (ONG, association, établissement scolaire, ...) permet de répondre à une demande précise et d’adapter son action aux réels besoins du terrain afin d’éviter toute projection de ses conceptions sur la pauvreté et ce qu’il faudrait faire pour l’endiguer. De plus, les relais locaux sont formés à l’action qu’ils mènent et connaissent leur population, ce qui est un gage de confiance pour le bon déroulement du projet. L’association France Volontaire a des antennes dans différents pays, qui peuvent être consultés pour avoir un avis objectif sur la fiabilité du partenaire.
Un bon moyen de prendre du recul sur l’objectif de la structure mettant en lien les bénévoles et le projet est le montant demandé pour y participer. Ainsi il faut bien se renseigner sur l’utilisation de l’argent donné pour réaliser ce projet. C’est-à-dire qu’il aille dans le financement de l’action sur place (logement, restauration, matériel) et non pour la structure. De manière générale, si la structure n’est pas une ONG ou une association, il est possible qu’elle soit à visée mercantile.
Pour finir, il est de la responsabilité des structures souhaitant agir dans la solidarité internationale de veiller à ce que leur projet ait un impact positif sur la population locale et sur les acteurs qui s’y sont engagés.Les gouvernements des populations d’ici ont également une responsabilité dans ce processus. Celle-ci devrait prendre la forme d’un travail de protection des populations face aux organismes mercantiles comme l’a précisé Mme Anne Genetet lors de son interpellation de Mme la garde des sceaux. Cette pratique de « volontourisme » peut être attaquée en justice par l’article L444-1 du code de la consommation pour le moment au motif de « pratique commerciale trompeuse » au sens où elle vend un service qu’elle ne produit pas. Certains pays vont plus loin comme l’Australie qui a interdit le volontourisme a ses ressortissant en 2018, considéré comme une forme moderne de l’esclavage.
Les agences de voyages solidaires existent, mais pour le coup se présentent explicitement comme du tourisme et non comme une structure ayant un impact solidaire au travers d’un projet avec la population locale (par exemple Tamadi ou Solidarités Jeunesse).
Si vous souhaitez agir localement ou à l’international, vous pouvez consulter l’article Projet solidaire, j’en fais partie !."
Article publié par Romain Guillerm sur le site La cité
Pour aller plus loin :
Guidisto-volontariat.fr travaille sur une campagne européenne contre le volontariat en orphelinat
Le volontourisme dans les orphelinats n’est pas un jeu d’enfants
Trafic d’enfants au Népal : l’UNICEF renforce ses interventions de protection
Orphanage Tourism : Slavery Hidden In Plain Sight
Le business du volontourisme : L’humanitaire imaginaire