Un atelier participatif
Le jeudi 7 novembre 2013, l’espace international Cosmopolis a accueilli un atelier participatif à propos des productions réalisées par les médias de masse sur la guerre au Mali.
Comment les médias affectent-ils la perception des citoyens ? Dépeignent-ils ou construisent-ils les réalités ? Sont-ils indépendants ou influencés ? Telles étaient les questions abordées tout au long des deux heures de cet atelier animé par des journalistes et membres d’associations internationales disposant d’une expérience de terrain sur le continent africain.
Après les présentations de la Maison des Citoyens du Monde et de Michèle Viau de l’association Survie, l’atelier s’est construit autour d’extraits vidéo de l’émission "Un œil sur la planète" réalisé par France 2. Nantais, étrangers, étudiants, professionnelles, jeunes comme expérimentés ont pu jeter un regard critique sur les événements qui se sont déroulés au Mali et sur leur traitement médiatique.
A regarder à deux fois !
Après avoir visionné une première fois l’extrait vidéo sur la guerre au Mali, des spécialistes des médias de l’association Les Pieds dans l’Paf ont amené le public à une réflexion plus poussée et plus pertinente par un exercice en trois groupes. Chaque groupe s’est focalisé sur un aspect de la vidéo : le son, l’image et le montage. Le public a été divisé en trois groupes afin que chacun des groupes se focalise sur différents aspects de la vidéo. Au deuxième visionnage les trois groupes ont révélé les particularités du reportage, les remarques se sont concentrées successivement sur le son, l’image et le montage.
Le premier visionnage a permis au public d’identifier plusieurs séquences relatives à des situations et des moments différents. Tout d’abord une situation relativement stable, puis la guerre et l’intervention de l’armée française, et enfin, les conséquences de la guerre. La succession des enfants jouant au basket sous les rayons du soleil, des soldats sous une pluie de balles et des démineurs sous la menace d’explosion d’obus...
Puis, le second visionnage a produit d’intéressantes observations. Le groupe "son" a pointé l’utilisation de musique au ton tragique, particulièrement lors de séquences montrant des faits frappants. Ils ont également remarqué l’alternance entre silence et passage plus sonore.
Les observations du groupe "image" étaient encore plus évocatrices : les couleurs grises de la guerre, le tremblement de la "caméra d’épaule" du journaliste au cœur du combat et le peuple projeter en avant dans une course sans fin. Enfin le groupe "montage" a repéré que la manière dont étaient présentées les séquences, exprimait un message politique.
La première partie du reportage qui décrit le Mali en situation "stable" était très personnifiée, montrant des visages, la vie quotidienne, espoirs et craintes et créant ainsi un sentiment de réciprocité entre le peuple malien et le spectateur français. Dans la deuxième partie de la vidéo, sur le Mali en guerre, le contraste entre les moyens et les équipements des troupes maliennes et des forces françaises est accentué. Le changement des images est radical avec l’arrivée des français, le reportage présente l’opération au Mali tel un succès, quoique non achevée, puisque la terreur règne encore dans le centre de la ville.
La conclusion de cet exercice critique était en adéquation avec les remarques du public :"il est nécessaire de regarder la vidéo une troisième fois ! Sachant cependant qu’en réalité nous ne la regardons qu’une seule fois !". En effet, parfois les médias tentent de capter le spectateur grâce à l’émotion, ne laissant pas l’espace et le temps pour une réflexion plus poussée.
Pour être sûr de bien comprendre…
Pour avoir une réflexion "plus complète", le public s’est appuyé sur l’expérience de Pierre Cherruau, responsable du service Afrique de Courrier International, qui a travaillé au Mali de juillet à septembre 2013.
Monsieur Cherruau a admis l’influence de la France sur la société malienne durant la guerre, sans oublier le contrôle des journalistes français par l’armée française. Les journalistes travaillant dans des conditions de menace permanente doivent et ont besoin de travailler avec l’armée et avec l’État, qui le veuillent ou non, aussi impartiaux qu’ils veulent être. Au Mali, comme dans l’ensemble des pays africains en guerre, il n’est pas envisageable de voyager par d’autres moyens que par les voies aériennes, seulement deux avions sont alors disponibles, le premier appartenant aux Nations Unies et le second aux forces françaises. Les avions n’ont pas la capacité pour recevoir tous les journalistes avec le personnel de bord. Il est donc plus difficile de voyager et de recueillir de l’information, spécialement pour les reporters vidéo qui ont un équipement lourd et visible et qui sont délibérément ciblés par les rebelles. De plus, il n’est pas possible de rester plus d’une nuit dans le même endroit afin de ne pas devenir une victime de guerre. Un journaliste doit recourir aux forces armées et parfois à leurs informations matérielles et vidéos, prisent sur des lieux inaccessibles aux journalistes.
Ainsi, Pierre Cherruau rappelle au public d’être prêt à accepter un certain degré de subjectivité provenant des circonstances professionnelles et de l’expérience personnelle de tous les journalistes et de la ligne éditoriale de tout média.
L’atelier a généré un débat animé et a fait réfléchir les citoyens sur une astuce simple afin de disposer d’une perception plus juste de l’information médiatique : utiliser différentes sources d’information. De plus, l’association Survie a présenté son travail basé sur l’expérience locale, qui a été suivie par une dernière remarque de Pierre Cherruau : l’information n’est pas un simple produit de consommation. En réalité, une astuce pas facile à mettre en œuvre.
Écrit par Elena Terekhova, bénévole pendant les Semaines.
Ci-dessous l’article rédigé en anglais :