© Fabrice Dekoninck
Après cinq longues années de guerre et de souffrance et après que le génocide de Srebrenica ait fini par réveiller les consciences de la communauté internationale, la guerre en Ex-Yougoslavie prend fin par la signature des accords de Dayton en Novembre 1995. Ces accords institutionnalisent l’ethnicité comme le fondement de l’organisation politique du pays, lequel est divisé en deux entités, la fédération croate-musulmane (51%) et l’entité serbe, la « Republika Srpska » (49%). Réputés temporaires, ces accords continuent encore aujourd’hui à à régir le pays, favorisant le maintien au pouvoir de politiciens ethno-nationalistes qui instrumentalisent la mémoire de la guerre et exacerbent les tensions entre communautés, dans le seul but de se maintenir au pouvoir.
A l’automne 2021, le dirigeant ethno-nationaliste de la Republika Srpska a annoncé qu’il avait l’intention de faire voter par le parlement local un projet de loi par lequel l’entité serbe pourra se soustraire à l’autorité centrale de Bosnie-Herzégovine pour toutes questions régaliennes de défense, de santé, d’administration fiscale et de justice. Une rupture unilatérale des accords de Dayton, et la menace d’un nouveau conflit armé. Cette menace d’une sécession qui ne dit pas son nom fragilise encore d’avantage la vie au quotidien des différentes communautés en Republika Sprska, tout particulièrement celle des Bosniaques, à majorité musulmane.
Ce regain de tension intervient alors qu’une génération de personnes qui se sont battues pour le caractère multi-ethnique et pluriel de la Bosnie-Herzégovine disparaît, et qu’une génération de jeunes survivants au conflit a décidé de retourner vivre dans ce qui fut autrefois leur foyer - une maison à jamais marquée par l’horreur de la guerre et la perte de la plupart de leurs proches. Ces "returnees" doivent souvent faire face au déni du génocide et à divers épisodes de provocation, qui, en plus de rendre la coexistence difficile, empêchent le développement d’une ville qui demeure figée dans le temps. Alors qu’ils sont aux prises avec le fardeau de leur propre mémoire et de leurs blessures non cicatrisées, ces familles bosniaques doivent maintenant faire face à un avenir incertain. La famille du jeune Imam de la Mosquée, Ahmed Hrustanović, a accepté de partager avec le photographe l’intimité de leur quotidien de "rapatriés".
Le photographe Fabrice Dekoninck a séjourné pendant de longues périodes à Srebrenica. S’échelonnant sur presque trois ans, son travail s’apparente à celui d’un anthropologue de la mémoire. Il documente, sur les lieux mêmes du génocide, la mémoire de l’effroyable crime de masse et les graves traumatismes qui en résultent, 27 ans après, pour les familles des victimes et les survivants. Ce travail dresse le portrait implacable d’un société traumatisée qui demeure figée dans son propre passé, où, en l’absence de toute volonté de narratif commun, la mémoire est devenue un instrument de propagande, au détriment de la justice et de la réconciliation.
Projet présenté par l’association francobosnienne et l’assemblée européenne des citoyens de Nantes, dans le cadre du Festisol coordonné par la Maison des citoyens du Monde, soutenu par Nantes Métropole et le Conseil Départemental 44.