"Il est temps de reconstruire nos solidarités"
Nous sommes des millions en France à contribuer chaque jour à la solidarité, à déconstruire la violence autour de nous en redonnant confiance à ceux qui ont besoin de cette solidarité.
L’exercice de la solidarité doit nous permettre la déconstruction de la violence. Par beaucoup d’aspects, notre société est devenue violente, non seulement par les violences physiques qui doivent être combattues avec force, mais aussi par les violences silencieuses et insidieuses d’une société devenue égoïste d’avoir réglementé sa solidarité.
Nos modes de communication, de plus en plus violents, ne s’intéressent qu’au pire comme si seul le sentiment d’horreur éveillait notre intérêt. Nos entreprises sont devenues violentes en oubliant trop souvent l’importance de leur métier pour ne penser qu’à leur profit financier. Nos services sociaux sont devenus violents, débordés par trop de précarité. Nos politiques sont devenues violentes à force de jouer sur les équilibres financiers en oubliant le devoir de l’Etat dans la mise en œuvre des services publics et de l’intérêt général. Trop de violences qui font fi de la réalité des enfants, des femmes et des hommes aujourd’hui dans notre pays.
Khalil Gibran écrit dans le Prophète : "vous ne donnez que peu lorsque vous donnez vos biens, c’est lorsque vous donnez de vous-même que vous donnez réellement".
L’initiative de nombre de nos organisations de solidarité, "Répondons présent", est pour cela essentielle. Certains diront qu’elle ne propose rien de concret, mais elle nous engage pourtant sur un chemin fondamental : chacune et chacun d’entre nous peut-il se compter comme acteur de la solidarité ici et ailleurs ? Non pas en regardant sa fiche de paie pour vérifier sa participation à la solidarité réglementée de notre pays, mais en agissant simplement près de chez soi, en donnant un coup de pouce lorsque c’est nécessaire.
Nous sommes des millions en France à contribuer chaque jour à la solidarité, à déconstruire la violence autour de nous en redonnant confiance à ceux qui ont besoin de cette solidarité.
Cela se vérifie à nouveau avec le "Sursaut Citoyen", composée de collectifs organisés ou informels, d’associations et simplement de groupes d’ami-e-s ou de voisins, qui ont décidé d’accueillir, d’orienter, d’aider les personnes migrantes victimes des politiques migratoires répressives. Ils montrent au quotidien que la France a un autre visage que celui de la fermeture des frontières, d’autres valeurs que la xénophobie et le rejet de l’autre. Un millier d’initiatives sont déjà recensées et ce nombre ne fait qu’augmenter. Autant d’initiatives qui permettent de dire haut et fort : la France est solidaire, #LaPreuveParNous.
Nous devons sortir de l’idée qu’il ne faut aider que ceux qui le mérite, comme le propose certains politiques. Cette notion de "mérite" est dangereuse, elle n’a pas de définition universelle, elle est manipulable et nous devons nous en souvenir pour éviter les pièges des discours populistes. Nos sociétés occidentales sont trop souvent aveuglées par l’argent, l’ultime valeur, celle qui semble nous rester quand nous ne savons plus à quelle politique nous vouer.
Nous devons développer encore et toujours nos solidarités. Celles et ceux qui font la solidarité n’attendent pas de reconnaissance particulière, si ce n’est celle du plaisir d’aider. Ce qui est facile pour chacun d’entre nous, qui exerçons la solidarité dans nos associations ou dans nos quartiers, est devenu difficile pour notre pays, que ce soit dans la mise en œuvre de ses services publics ou dans le nécessaire financement de l’aide publique à la solidarité internationale.
Pourquoi l’Etat semble-t-il freiner ses solidarités ?
Plus que jamais nous avons besoin d’une action politique qui réinvestisse le champ des solidarités, non pas pour obtenir un retour sur son investissement, mais pour faire émerger une humanité qui donne du sens à l’ambition collective universelle. Aujourd’hui, nous n’entendons que trop peu ce message, trop obnubilés par les menaces terroristes agitées sous nos yeux comme des drapeaux rouges et recroquevillés sous le poids abrutissant de dettes que nous n’avons pas décidées.
Le seul moyen d’y arriver, de sortir des violences quotidiennes, de faire bouger les lignes, c’est de faire entendre la voix des millions d’entre nous qui agissent tous les jours pour que la solidarité raisonne dans notre pays et dans le monde.
Ainsi nous ferons naître une plus grande solidarité de la période incertaine que nous traversons. Tout est possible, nous pouvons sortir de la vallée des monstres et faire émerger un monde nouveau résolument solidaire.
Emmanuel Poilane
Directeur de France Libertes Fondation Danielle Mitterrand et Président du CRID
Source : Huffington Post
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