COP21 : le gouvernement interdit les manifestations sur la voie publique

19 novembre 2015

La MCM avait l’intention d’organiser un départ groupé en car de Nantes pour la marche du 29 novembre. En raison de l’annulation des marches, aucun départ ne sera proposé.

Article publié sur le site du monde le 18 novembre 2015 au lien suivant.

Le gouvernement a décidé, mercredi 18 novembre, l’annulation de la grande manifestation qui devait se tenir à Paris, entre les places de la République et de la Nation, dimanche 29 novembre, veille de l’ouverture de la Conférence des Nations unies sur le climat (COP21), de même que les événements prévus le dimanche 12 décembre, au lendemain de la clôture de la conférence. Le gouvernement avait dans un premier temps laissé entendre qu’une solution de remplacement serait peut-être proposée aux organisateurs, mais les hypothèses étudiées telles qu’une initiative statique ou dans un lieu fermé n’ont finalement pas été retenues. Cette décision a été prise lors d’une réunion avec le chef de l’Etat et le premier ministre, mercredi après-midi.

Dans un communiqué publié dans la soirée, le ministère des affaires étrangères, qui assure la présidence de la COP21, écrit :

« La situation créée par les attentats odieux du 13 novembre et les investigations menées depuis imposent que les conditions de sécurité soient renforcées. Dans ce cadre, la totalité des manifestations organisées dans les espaces fermés et aisément sécurisables seront maintenues. En revanche, afin d’éviter tout risque supplémentaire, le gouvernement a décidé de ne pas autoriser les marches pour le climat prévues sur la voie publique à Paris et dans d’autres villes de France les 29 novembre et 12 décembre. »

« Décision difficile »

« C’est une décision difficile et qui décevra sans doute certains de ceux qui envisageaient d’y participer mais, dans le contexte actuel, l’exigence de sécurité l’impose », ajoute le ministère, qui précise la nécessité pour la COP21 d’accueillir très largement la société civile et ses organisations.

Sans attendre la conférence de presse qu’elle doit tenir, vendredi, la Coalition climat 21 a réagi : « nous regrettons qu’aucune alternative n’ait été trouvée pour permettre nos mobilisations. Pour autant, nous sommes plus que jamais déterminés à faire entendre nos voix sur les questions de justice climatique », a-t-elle déclaré dans un communiqué mercredi soir. « Nous avons conscience de la gravité de la situation. Plus que jamais, nous ferons part de créativité pour mobiliser et rassembler. Pas de COP21 sans mobilisation de la société civile », a ajouté Juliette Rousseau, coordinatrice de la Coalition climat 21 (cent trente ONG, syndicats et associations diverses).

Le week-end des 28 et 29 novembre, à la veille de l’ouverture de la COP21, les ONG espèrent la mobilisation de millions de personnes : « 2 173 événements se préparent dans plus de 150 pays, 57 marches sont prévues dans le monde entier et plusieurs dizaines de marches dans les régions de France sont annoncées », rappelle la coalition, tout en précisant que les organisations trouveraient, pour les deux dates annulées, « une forme alternative de mobilisation citoyenne, pour montrer que la COP21 ne se fera pas uniquement avec les négociateurs ».

Forte mobilisation internationale

Au niveau international, la mobilisation devrait être forte, estiment les ONG. Emma Ruby-Sachs, directrice exécutive d’Avaaz, estime ainsi qu’il « est donc d’autant plus fondamental que les citoyens du monde entier marchent le week-end du 29 novembre au nom de celles et ceux qui ne le pourront pas ». « Nous devons montrer que nous sommes plus déterminés que jamais à relever les défis auxquels l’humanité fait face, motivés par l’espoir et non par la peur. » Le directeur général de Greenpeace France, Jean-François Julliard, se félicite aussi des nombreuses marches dans le monde. « Si nous ne pouvons pas marcher pour le climat dans les rues de Paris, nous redoublerons de créativité pour nous faire entendre des décideurs, dans les enceintes des Nations Unies et au dehors », annonce-t-il, regrettant mais comprenant la décision des autorités françaises. Le WWF exprime le même sentiment.

Conscients que la marche du 29, susceptible de rassembler des dizaines, voire des centaines de milliers de personnes, sur le pavé parisien, était devenue synonyme de risque majeur après les attentats du 13 novembre à Paris et à Saint-Denis, les organisateurs ont espéré jusqu’au bout que sa sécurisation serait possible. Mais la crainte par le gouvernement d’attentats et, surtout, de mouvements de panique d’une foule apeurée par des pétards par exemple, comme cela s’est passé place de la République, dimanche en fin de journée, a eu raison des espoirs des ONG. Sécuriser une telle manifestation, mais aussi les dizaines d’autres qui doivent se dérouler en France le week-end des 28 et 29 novembre, demande des effectifs de police et de gendarmerie qui sont, par ailleurs, fortement sollicités pour la protection de nombreux sites, COP21 y compris.

Au-delà de la déception, certaines organisations préparent des alternatives. « Le gouvernement peut bloquer ces manifestations, mais il ne stoppera pas notre mobilisation, et il ne nous empêchera pas de renforcer le mouvement pour le climat, estime ainsi Nicolas Haeringer, de 350.org France. Bien qu’il soit difficile de maintenir ce que nous avions initialement prévu, nous trouverons comment faire en sorte que notre aspiration à la justice climatique soit entendue. »

L’interdiction des manifestations sur la voie publique des 29 novembre et 12 décembre ne devrait pas être accompagnée d’autres annulations. Ainsi, le village mondial des alternatives, le week-end des 5 et 6 décembre à Montreuil (Seine-Saint-Denis), devrait être maintenu. Y compris les nombreuses initiatives qui devaient se tenir dans les rues de la ville. « Même si l’on préférerait que les rendez-vous dans des lieux clos soient privilégiés, on devrait pouvoir sécuriser aussi à l’extérieur, par des barrièrages par exemple », explique-t-on dans l’entourage du ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius. La semaine de mobilisation et d’action du 7 au 11 décembre, la « zone d’action climat », la ZAC, au 104, dans le 19e arrondissement de Paris est aussi sauvegardée.

Maintenir des initiatives

Mais cela ne suffira sans doute pas à certains. Ainsi la coordination européenne des collectifs Alternatiba, qui se réunit samedi, pourrait décider de maintenir certaines formes de manifestations le 29 novembre. La Coalition climat 21, à laquelle toutes ces organisations appartiennent, réfléchit aussi à des formes d’action. Une cybermanifestation sur Internet, permettant la mobilisation du plus grand nombre, est envisagée. D’autres formes plus artistiques sont à l’étude, comme l’accrochage de drapeaux aux fenêtres par exemple.

Au sein de la coalition, différentes stratégies vont s’exprimer. Mais il n’y aura plus de grande Marche mondiale pour le climat à Paris, c’est un fait. La capacité des organisations militantes à assurer la sécurité de leurs initiatives est devenue, dans le contexte de l’après-attentat du 13 novembre, un enjeu. Ainsi, le Collectif national pour les droits des femmes a-t-il décidé d’annuler la manifestation du 21 novembre, un rendez-vous pourtant attendu qui, chaque année, mobilise plusieurs milliers de manifestants à l’approche de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, le 25 novembre. Au même moment, les réseaux de solidarité aux migrants et aux réfugiés ont décidé d’appeler, eux, à une manifestation à Paris, dimanche 22 novembre, place de la Bastille.