Forum Social Mondial : une occasion de mise en réseau des dynamiques des femmes

27 mai 2015

L’élan de la Dynamique Femmes dans les FSM

La Dynamique Femmes du Forum Social Mondial qui avait remporté un grand succès en 2013 en imposant une assemblée des femmes en ouverture et un lieu spécifique pour les débats avait eu ici aussi pour tâche de faciliter la prise en compte du genre. Composée surtout de Tunisiennes, elle devait renforcer la participation des femmes dans le programme, la prise en compte du genre dans le processus des préparatifs et les activités organisées pendant le Forum. Pour que les préoccupations des femmes de tous milieux y compris ruraux soient prises en compte, elle a étroitement collaboré avec les organisations de femmes participant au FSM, tant au plan national, sous régional qu’international. Sur ces différents objectifs et malgré quelque ratés à mettre en rapport avec l’ambition, elle a réussi son mandat car les femmes ont été très présentes dans la coordination, la participation et les thématiques.
En effet, cette édition du FSM a comporté 43 ateliers portant sur les questions spécifiques que les femmes se posent et qui leur sont posées. Deux ateliers seulement ont rapporté la question féminine à la seule famille et à « l’enfant réussi », l’inclusivité chère au FSM permettant la présence de ceux qui considèrent que l’assemblée des femmes en ouverture n’était que du « bla bla ». L’assemblée elle-même s’est mal déroulée cette année, court-circuitée par les antagonismes nationalistes du Maroc et de l’Algérie autour du sort des Sahraouis. En amont du FSM, une marche des femmes noires contre le racisme en Tunisie avait eu lieu à Gabès.

Les femmes parlent de tout partout

Dans le fourmillement des activités du Forum, la diversité des sujets des ateliers « femmes » a été beaucoup plus importante qu’en 2013. Elle est apparue tant sur des points sensibles de la situation des femmes que sur leur rapports avec leur propre société dans des domaines tels que l’économie, la politique, le racisme, les comportements de harcèlement ou de violence, les marginalisations, notamment dans les situations régionales de conflits, de révolution et de résistance. Plus précisément qu’en 2013, le travail précaire, le travail domestique et informel, l’activité en zone rurale ont été maintes fois abordés. Mais la plupart des ateliers se sont focalisés sur les stratégies à mettre en place à travers la sensibilisation, l’autonomisation, l’action féministe, la syndicalisation, la participation à la vie politique et à la démocratisation, le réseautage et, plus globalement, les moyens de la conquête des droits sociaux et économiques. Le fossé générationnel et les mauvaises réponses comme le micro-crédit ont été questionnés par des groupes impliqués sur le terrain.

Nombre de ces ateliers ont été organisés par les associations tunisiennes, très présentes, comme l’Association Tunisienne des Femmes Démocrates, le Forum Tunisien des Droits économiques et Sociaux et l’Association des Femmes Tunisiennes pour la Recherche et le Développement, notamment sur la question des droits et de l’application des articles de la nouvelle Constitution, obtenus grâce à la mobilisation des femmes. Des syndicats de divers pays et tendances ont proposé de nombreux ateliers sur le travail et la syndicalisation, prenant en compte tous les aspects des activités économiques des femmes, y compris dans les régions marginalisées. Les propositions d’ organisations du Maghreb et du Moyen-Orient étaient plus éclectiques, en raison de situations aujourd’hui bien différentes. Une présence de Canadiennes, de Kurdes, de Latino-Américaines est aussi à noter.

Se lier, c’est se renforcer

Que retenir ? Dans cette intensité et cette énergie du Forum, je me suis surtout centrée sur la Tunisie. La question des femmes en milieu rural est apparue très fortement, en lien avec celle des régions dites « marginalisées ». Cette question traversait aussi d’autres ateliers comme ceux souhaitant un rôle des diasporas. Les femmes représentent la plus grande part de l’agriculture familiale en Tunisie. Et les actrices (eurs) se demandent : quels moyens de développement ? Quel développement, d’ailleurs ? Quelle organisation ?
Ensuite, il m’a semblé percevoir une nouvelle thématique, également en Tunisie, mais aussi ailleurs au Maghreb, celle des loisirs des femmes à favoriser. Est-ce l’éclosion d’une forme d’éducation populaire, afin que les femmes participent à la vie sociale hors du seul giron familial ? Cette thématique est au croisement du milieu rural et du milieu urbain où se posent par ailleurs les questions des spécificités du travail des femmes, précaire, informel, domestique... ou sous-payé et harcelé.
Plus globalement, la mobilisation des femmes dans l’action est une préoccupation, tant des associations, que des syndicats ou des groupes politiques. Les moyens de sensibiliser la jeunesse étudiante (où sont-elles les chômeuses diplômées ?) et de réduire l’écart entre les générations sont notés.
Enfin, des débats animés sur les priorités apparaissent : certaines privilégient la lutte pour les droits et notamment l’application des lois, l’harmonisation avec les normes de l’ONU (CEDAW) ; d’autres estiment que le changement de mentalité est la base de l’action à mener. Les deux approches ne seraient-elles pas complémentaires ?

Les processus du FSM permettent aux initiatives féministes comme aux autres combats de l’altermondialisme de se rencontrer, s’organiser et se faire connaître. Ainsi, Oxfam permet à ses jeunes porteuses du projet Amal venues de plusieurs pays arabes de se connaître, la Marche Mondiale des Femmes contre la pauvreté et la violence, créée en 2000, tient plusieurs ateliers avec plus de 20 pays et fait le point sur les initiatives, forums et caravanes réalisés pour son édition 2015. Cette occasion de visibilité s’inscrit durablement dans sa démarche.

Anne-Marie, Maison des Citoyens du Monde Nantes, inter-CASI Pays de la Loire