Ebola : isoler le virus, pas les pays

19 novembre 2014

TRIBUNE signée par 249 associations guinéennes et françaises dont Coopération Atlantique Guinée 44, Essentiel, la Ligue des Droits de l’Homme, le CCFD... qui sont membres de la MCM.

Ebolas : ce simple mot fait frémir d’une peur irraisonnée aussi bien citoyens, qu’entreprises ou États. Et pour cause. La communication à laquelle succombent médias nationaux et internationaux stigmatise plus qu’elle n’explique. Le manque d’explications claires sur le virus alimente fantasmes et psychose. Dans les pays touchés, les individus affectés par Ebola, qui ont peur d’être mis à l’index de la société et qui appréhendent l’hôpital comme un mouroir, rechignent à se rendre dans les centres de santé et augmentent ainsi la propagation de la maladie.

A l’étranger, la peur pousse États et entreprises à limiter ou à stopper leurs relations avec ces pays, créant l’illusion d’aider ainsi à stopper le virus. Faux : le Sénégal, qui a fermé sa frontière avec la Guinée, ne fait ainsi qu’encourager les passages clandestins, nuisant au contrôle sanitaire et accroissant les risques de propagation de l’épidémie. Résultat : les États atteints sont laissés dans un isolement total, véritable menace pour leur développement économique, social et politique. Dans les trois pays les plus touchés, les prix des denrées alimentaires de première nécessité ont augmenté de 24% (1) et la pénurie alimentaire ne cesse de s’accroître. Les investisseurs ainsi que tous les projets de développement sont à l’arrêt ou au ralenti. En Guinée, la croissance du PIB a déjà diminué de 2% à 3%. Les agriculteurs familiaux ne peuvent plus exporter, hypothéquant les progrès récents réalisés en matière de sécurité alimentaire. Écoles et universités sont fermées. Et le risque de déstabilisation politique est grand, notamment dans un pays qui fait ses premiers pas sur le chemin de la démocratie.

Certes, l’épidémie est très préoccupante. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) annonce que l’on pourrait atteindre le cap des 20 000 cas d’ici à novembre. Les États concernés sont déficients face à la maladie : manque de moyens adaptés au transport de personnes contaminées, difficulté à maintenir une veille épidémiologique rigoureuse et à assurer des contrôles sanitaires sur l’ensemble des points stratégiques, communication déficiente, services sanitaires désorganisés et personnels de santé démunis et parmi les plus touchés par l’épidémie. L’isolement de ces États n’est pas une solution mais une double peine.

C’est pourquoi, 249 organisations françaises et guinéennes s’unissent pour demander aux États, médias, entreprises, ONG et pouvoirs publics de prendre leurs responsabilités afin de venir à bout de cette crise sanitaire avant que ne s’y ajoute une catastrophe économique, sociale et politique.

Nous demandons aux États concernés de respecter l’engagement pris en 2001 à Abuja d’accorder 15% de leur budget global à la santé. Un système de santé plus fort sera en mesure de mieux résister à l’épidémie. Nous leur demandons de respecter les allocations de ressources sur lesquels ils se sont engagés et de rendre des comptes sur ces fonds, il en va de leur crédibilité vis-à-vis des institutions et des citoyens. Nous demandons aux États de la sous-région de se mobiliser. Leur coopération est indispensable pour la résolution de cette crise sanitaire.

La fermeture des frontières comme celle mise en œuvre au Sénégal n’est pas la solution. Nous demandons au Sénégal de rouvrir sa frontière, tout comme l’a fait la Côte-d’Ivoire, respectant ainsi les recommandations de l’Assemblée générale des Nations unies. La fermeture de la frontière n’empêchera aucunement la propagation du virus, a contrario elle risque de le renforcer par l’absence de contrôles sanitaires.

De la même manière, nous demandons aux compagnies aériennes de maintenir ou de reprendre leurs vols vers Conakry, Freetown et Monrovia. Si des mesures de contrôles doivent être prises pour éviter la propagation du virus, une mise à l’isolement forcée de ces États ne se justifie pas.

Nous demandons aux bailleurs de coordonner leurs actions, de veiller à ce que leurs appuis arrivent à temps, correspondent aux besoins et participent à renforcer ces systèmes de santé fragiles. La communauté internationale qui a tant tardé à réagir doit accélérer ses actions.

Enfin, nous demandons aux médias, aux États et aux ONG de s’orienter activement et urgemment vers une communication pédagogique évitant la stigmatisation de la maladie et créant de la confiance dans la prise en charge médicale.

(1) Selon le Programme alimentaire mondial

Signataires : France : Aide et Action, Association des Jeunes Guinéens de France (AJGF), Association Normandie-Guinée, CFDT, CGT, Cités Unies France (CUF), Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD), Comité français pour la solidarité internationale (CFSI), Collectif urgence ébola Nord-Pas-de-Calais, Coopération atlantique Guinée 44, Coordination des associations guinéennes de France (CAGF), Conseil national des Jeunes Guinéens de France (CNJGF), Educetera, Essentiel, Etudiants et Développement, GRDR, Ligue des droits de l’homme, Solidarité laïque.

Guinée (les 12 premières) : Confédération nationale des travailleurs de Guinée (CNTG), Union syndicale des travailleurs de Guinée (USTG), Conseil national des organisations de la société civile guinéenne (Cnosc), Plateforme des citoyens unis pour le développement (PCUD), Coordination nationale de la société civile (Conasog), Confédération nationale des organisations paysannes de Guinée (CNOPG), Les Mêmes Droits pour tous, Agence de coopération et de recherche pour le développement (Acord), Apek Agriculture, BCDora, Enfance du Globe, Association pour le développement communautaire.
Par 249 associations guinéennes et françaises

Afin de soutenir ses trois partenaires guinéens : l’ONAM (Organisation Nationale d’Appui à la Mutualité), le REMUFOUD (Réseau des Mutuelles du Fouta Djallon) et FMG (Fraternité Médicale Guinée) pour faire face à la crise actuelle, Essentiel souhaite mobiliser 5000 euros pour une action sur 6 mois, en relais de l’aide internationale qui devrait arriver pour limiter la propagation du virus dans la zone. Il s’agit avant tout de répondre au manque de moyens pour assurer les missions de prévention et de sensibilisation dans de bonnes conditions.Font défaut notamment les petits équipements qui permettraient d’assurer le minimum de protection des agents de santé qui sont les plus exposés aux risques de contamination (gants, chlore, kits de lavage des mains). Ce matériel disponible localement sera acheté et acheminé vers les personnes et organisations qui en ont le plus besoin de façon coordonnée par les acteurs locaux. La distribution sera l’occasion de sensibiliser et d’informer.

L’argent collecté par ESSENTIEL sera intégralement reversé à FMG qui, en lien avec ONAM et le REMUFOUD, se chargera d’acheter sur place le matériel nécessaire (gants, kits de lavage des mains et chlore) et de le redistribuer pour équiper les 29 centres et postes de santé conventionnés avec les mutuelles du projet Santé pour Tous et les sièges des 12 mutuelles de santé.

Voici le lien vers la plateforme Helloasso de collecte des dons.