Retour sur la journée "Migrants : des mots et des propos pour en parler"

10 novembre 2016

Le 5 novembre 2016, les collectifs d’acteurs de solidarité Internationale en Pays de la Loire (MCM44, CASI 85, CASI 53, CASI 49, Collectif pour une terre plus humaine) et le collectif local d’organisation de la Semaine de la Solidarité Internationale à Ancenis, ont organisé à Ancenis une journée d’échanges dans le cadre des Semaines de la Solidarité Internationale 2016 autour du "migrant" et de ce qu’il véhicule.

Retour sur cette journée, par Loïc Danieau, membre de la CASI 85

Pierre-Yves Bulteau avait accepté de jouer le rôle d’observateur/médiateur/synthétiseur de ce temps consacré à la déconstruction-reconstruction des préjugés avec deux angles d’attaque : le rôle des médias dans ces constructions et la façon dont nous-mêmes (les éclairés) participons à cette instrumentalisation, acceptons -souvent inconsciemment- ces validations simplificatrices. Le glissement sémantique et politique est un risque, même chez les militants que nous sommes. C’est une forme d’instrumentalisation (qui ne se réfère pas au cadre juridique et aux mots fabriqués par d’autres que nous –ministère de l’Intérieur par ex.) ? C’est pour ces raisons que le militantisme doit aussi porter sur la reconnaissance de nouveaux Droits.
Comme convenu, la matinée a été consacrée aux ateliers (2 groupes en alternance) :

  • Le jeu du migrant (la Cimade) où chacun, dans la peau d’un-e migrant-e se lance dans le parcours-jeu de l’oie qui, de frontière en préfecture, de centre de rétention en famille d’accueil (sans oublier la mal-chance) qui l’attend. Occasion d’échanger, d’apprendre, de confronter (témoignages sollicités dans la salle, questions, Vrai ou faux…), de se rendre compte (et Pierre-Yves a su mettre le doigt où ça fait mal) de nos dérives sémantiques (migrants, réfugiés, clandestins, sans-papiers…) et de nos insuffisances en matière de connaissances et d’argumentation.
  • Maxime Pateau a illustré, en commentant son exposition (les réfugiés vu par un photographe) un autre regard et un autre discours qui nécessitait une présentation de sa démarche (les photos sont accompagnées de textes bilingues, écrits par des réfugiés, mais qui ne sont pas ayant accepté d’être mis en scène). Redécouverte de la ville (tous les clichés ont été pris à La Roche), discrétion et transparence des réfugiés, solitude, apport de l’autre…autant d’éléments qui nécessitaient, là-aussi, une déconstruction (par lecture de l’image) avant une réappropriation. Dans sa démarche, Maxime fait référence à une phrase de Malraux : Avant de juger, il faut comprendre ; et quand on a compris, on n’a plus envie de juger.
  • L’Encyclopédie des migrants est la traduction (bientôt dans les médiathèques des villes partenaires –en France, Rennes, Rennes et Brest-, mais aussi à Gilbraltar, en Espagne et au Portugal) d’un projet qui consiste à recueillir, par le biais d’ateliers d’écriture, 400 lettres-témoignages à travers lesquels les migrants parlent d’eux-mêmes. François en a fait lecture de quelques éléments de ce patrimoine immatériel, fruit du passage de la parole collectée à l’expression orale puis écrite.
    Les Pieds dans le Paf nous ont accompagnés (avec Survie) pour décoder un journal télévisé de France 2 consacré à une commune (un village de la France profonde) où des migrants finissaient par être tolérés. Choix des images, montage, narration et rôle de la journaliste : 4 regards croisés pour mieux, là-encore, déconstruire les codes spécifiques de ce média et, partant, regarder et entendre autrement. Autre façon de déconstruire et reconstruire.

La synthèse -sans concession- faite par Pierre-Yves a insisté sur les points suivants :

  • Pour construire un contre-discours et affiner notre argumentation, il faut d’abord chercher à comprendre le discours de l’autre.
  • Maîtrisons-nous le bagage minimum permettant de contrer des préjugées affirmés avec d’autant plus de force qu’ils sont frappés au coin du bon sens (les immigrés nous coûtent cher) ?
  • Nos certitudes ne sont-elles pas un obstacle à un regard et une écoute critique (peut-être ne voyons-nous, n’entendons-nous que ce que nous avons envie d’entendre et de voir) ?
  • Nous donnons-nous les moyens d’affiner nos argumentations et de réfléchir à notre approche de ceux qui ne pensent pas comme nous ? En particulier, où passe la frontière entre l’argumentation (le rationnel) et le passionnel qu’alimentent le rejet, la désespérance, le sentiment d’abandon (les migrants ont droit à tout, nous à rien) ?
    Même question lorsque nous avons à négocier avec le nouveau Conseil régional la place de l’EADSI dans le RRMA (réseau régional multi-acteurs)
  • Comment utiliser les réseaux sociaux pour toucher les jeunes (qui d’autres que de vieux militants acceptent de consacrer une journée entière, un samedi qui plus est, à ces réflexions ?) et contrer la fachosphère qui est très pointue sur ces techniques ?
  • Comment opposer la réflexion, la complexité et le temps long avec la simplification et l’immédiateté de la plupart des médias ?

30 participants. Merci à nos amis du collectif d’Ancenis, aux intervenants (cf. ci-dessus), animateurs et organisateurs.

Afin de poursuivre la réflexion....

 Pierre-Yves Bulteau. Son ouvrage En finir avec les idées fausses propagées par l’extrême droite (Editions de l’Atelier, 2014) a fait l’objet d’une réédition enrichie en 2016.
Sur ce même sujet, Extrême droite : écouter, comprendre, agir (revue Projet n° 354, octobre 2016) ; Bienvenue : 34 auteurs pour les réfugiés (UNHCR, Points, décembre 2015).
 Les pieds dans le Paf. Contact : http://www.piedsdanslepaf.org/
 Maxime Pateau et son expo Réfugiés : regard(s) sur la ville. Disponible gratuitement auprès de la Cimade de la Vendée. Livrets (photos et textes). Possibilité d’acheter les photos (format et supports à discuter).

A suivre : un atelier pour fabriquer un bon Journal Télévisé ? Les Pieds dans le Paf y sont prêts.

Voir dans le document en pièce jointe le discours du maire d’Arcueil qui répond au Front National dans sa ville.