Vous avez dit "grands projets inutiles et imposés" ?

13 octobre 2016

Zoom d’actualité publié sur le site de Ritimo le 25 juillet 2016, par CIIP, GRUNWALD Catherine

Sommaire de l’article

Les grands projets inutiles et imposés
Les zones à défendre : se réapproprier l’espace public
Des résistances pour un autre projet de société

Après la polémique suscitée par le lancement par François Hollande d’une "consultation sans aucune valeur juridique" sur l’avenir du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, le résultat n’entame pas la détermination des opposants. Ceux-ci dénoncent une consultation biaisée et illégitime, rappellent que les recours juridiques contre le projet ne sont pas épuisés et invoquent un conflit de légitimité démocratiqueavec "le fait de désobéir au nom de la sauvegarde d’intérêts supérieurs – difficilement contestables".
Au-delà, tous les opposants (ACIPA- Association Citoyenne Intercommunale des Populations concernées par le projet d’Aéroport de Notre-Dame-des-Landes, Cédpa ! - Collectif d’élus doutant de la pertinence de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes !, Coordination des opposants, Comités de soutien, etc.) dénoncent un projet destructeur, coûteux, inutile...
Tous les ingrédients d’un "Grand Projet Inutile et Imposé - GPII" !

Les grands projets inutiles et imposés

Mis en évidence lors des forums sociaux mondiaux et européens, ceux-ci sont des projets pharaoniques (dans la logique du toujours plus grand, plus gros, plus vite, plus centralisateur), destructeurs de terres agricoles, de cadres et de modes de vie, sources de profits juteux pour les grosses entreprises (multinationales du BTP entre autres) et basés sur des mensonges sur les besoins (estimation grossière de la réalité actuelle et de l’évolution future), opacité sur les projets eux-mêmes, sur leurs coûts et les financements, sur les compensations environnementales, sur les retombées économiques et en termes d’emploi… Ce sont des projets inutiles par rapport aux besoins qu’ils sont censés satisfaire et imposés aux populations comme en témoignent la répression et la criminalisation des opposants [1].

Aéroports, autoroutes, lignes à grande vitesse (LGV), grands barrages, méga-projets industriels, commerciaux, touristiques... les grands projets inutiles ne manquent pas, provoquant mobilisation et résistance sur le terrain. Exemples en France et en Europe :

  • Barrage de Sivens dans le Tarn, lutte endeuillée par la mort de Rémi Fraisse, le 26 octobre 2014, "résultat d’une opération de gendarmerie toute différente de la version officielle", comme l’a révélé Reporterre qui situe les responsabilités "à Matignon et place Beauvau". Un barrage qui n’est pas d’utilité publique selon le jugement rendu le 1er juillet dernier. "Les travaux engagés étaient donc totalement illégaux".
  • Center parc de Roybon en Isère qui suscite la colère. Le projet est bloqué par une décision de justice qui passera en appel en 2016, sans que l’on en connaisse encore la date...

Un foisonnement de méga-projets qui ne s’arrêtent pas à l’Europe puisqu’ils matérialisent les projets pharaoniques du capitalisme aujourd’hui mondialisé et total. Un seul exemple qui fait écho à Notre-Dame-des-Landes : les habitants d’Atenco, au Mexique, en lutte contre un projet d’aéroport...

De Nantes A Oaxaca... Solidarité Internationale !
Sur la ZAD de Notre Dame des Landes, le 25 juin 2016
Photo CC : Valk

Les zones à défendre : se réapproprier l’espace public

ZAD (zones à défendre - détournement de l’acronyme "zones d’aménagement différés") de Notre-Dame-des-Landes, de Roybon, de Haren en Belgique ... Aux protestations "classiques" (pétitions, recours juridiques, manifestations...) s’ajoute l’occupation qui est à la fois une action de résistance au projet incriminé et une expérience de vie autogérée, alternative et communautaire.
Ces occupations font écho aux mouvements d’occupations de places, de lieux publics (mouvement des Indignés, Occupy Wall Street, Nuits debout, etc.). La stratégie ici est de s’opposer physiquement et bloquer le projet, tout en créant et en inventant d’autres modes d’organisation.
C’est aussi ce qui se passe actuellement à Bure, où habitants et paysans refusent que leur territoire devienne une "grande poubelle nucléaire" et où "collectifs, associations, habitant.e.s en résistance, paysan.e.s" s’organisent pour vivre "dans et avec la forêt en construisant des cabanes là où l’ANDRA (Agence nationale de gestion des déchets radioactifs) a déboisé". Voir le site "Plus Bure sera leur chute … Lutte contre le projet d’enfouissement de déchets nucléaires" ainsi que le "Reportage à Bure : les émeutes arrêteront-elles le projet de poubelle nucléaire ?" sur le site Lundi matin.

Expérimentation et invention de nouvelles manières de vivre, de penser, d’agir, d’aimer, de s’opposer, de construire, de détruire, de rêver, de faire collectif ou société [2]... Cette "radicalité peut créer des tensions mais est la seule à être à la hauteur de l’urgence écologique et sociale", selon Alternatives libertaires qui appelle à unifier et soutenir le mouvement.

Des résistances pour un autre projet de société

Les opposants aux GPII sont naturellement solidaires avec toutes les autres luttes telles que les résistances paysannes contre l’artificialisation des terres, les grands barrages, les projets extractivistes...
Car face à la montée en généralité des luttes contre les grands projets inutiles et imposés [3], se fait le lien entre toutes les luttes contre les méga-projets sans rapport avec les besoins réels des populations au niveau mondial et qui "incarnent très concrètement des logiques capitalistes et industrialistes" comme le souligne Paul Ariès. Pour lui le "combat contre les grands projets inutiles imposés est la traduction européenne de ce combat contre l’extractivisme prédateur.."

Toutes ces luttes répertoriées dans une Carte des utopies et luttes écologistes et sociales concrètes convergent vers des causes communes et un "engagement pour le Buen-vivir (le Bien vivre)". Des résistances et désobéissances qui en s’opposant frontalement au système dominant représentent autant de recherches d’alternatives à ce système prédateur. Lire aussi "Contra la velocidad : Movimientos locales contra mega-infraestructuras "inútiles e impuestas".

Non aux Grands projets inutiles
Ruineux, pollueurs, mortifères, voleurs de terres...
Photo CC : Collectif Alsace NDDL

La convergence des luttes est effective au niveau européen avec l’organisation de Forums sociaux européens spécifiques :

Une plainte a par ailleurs été déposée par plusieurs collectifs européens de lutte contre des GPII auprès du Tribunal permanent des Peuples à Turin [4]. Après une enquête de plus d’un an, il a rendu le 8 novembre 2015 une sentence historique : le TPP reconnaît les violations des droits des peuples liées aux GPII," Outre la reconnaissance et condamnation des violations des droits, le tribunal fait des recommandations aux différents États (dont la France) pour la rectification des procédures et l’abandon des projets".

De quoi s’appuyer sur cette sentence et ses attendus pour continuer les luttes lors des prochaines mobilisations :

Notes

[1] cf. https://www.acipa-ndl.fr/pourquoi-dire-non/fiches-thematiques/itemlist/tag/GPII

[2] cf. blog Médiapart de Nicolas Haeringer

[3] à noter, en 2012 déjà, la revue Contretemps dénonçait "l’usage de "mécanisme démocratiques" pour conduire l’acceptabilité des GPII".

[4] C’est un tribunal d’opinion et non de pouvoir, héritier du Tribunal Russell contre les crimes de guerre au Vietnam