Forum Social Mondial 2016 à Montréal : Quand la délégation française fait son bilan à chaud

7 septembre 2016

Publié sur http://www.forumsocial.info/ le lundi 15 août 2016 par Philippe Merlant

A l’heure où le FSM de Montréal touchait à sa fin, la délégation française s’est retrouvée à l’invitation du CRID pour un debriefing à chaud. Premières impressions au sortir d’un Forum contrasté.

La soirée de clôture du CRID a démarré sur un mode ludique et participatif. Tandis que les participants arrivaient par petites grappes successives, les organisateurs ont proposé à ceux qui se trouvaient déjà dans la salle de remplir des post-it (sur les « plus » du forum, les « moins » du forum, les « plus » de la délégation et les « moins » de la délégation) tandis qu’un « mur des pépites » accueillait les coups de cœur des un-e-s et des autres (qui sont d’ailleurs révélés être souvent des événements culturels, ou en marge du FSM lui-même).

Puis les organisateurs ont proposé aux participant-e-s de se répartir en trois tables d’échanges :

  • sur les nouvelles thématiques qu’ils ont découvertes ou approfondies grâce au Forum de Montréal ;
  • sur les nouvelles pratiques ;
  • sur les nouveaux réseaux et partenariats.

Nouvelles thématiques

Les participants ont découvert ou approfondi des thèmes comme la traite des êtres humains (notamment des enfants), l’économie « de communion » (qui désigne de nouvelles manières de manager les entreprises), le processus de radicalisation des jeunes, la Palestine (et notamment le caractère non-violent des luttes de soutien), les associations canadiennes qui travaillent avec des handicapés mentaux, la situation des peuples autochtones (qui révèle une réalité coloniale encore bien vivace), l’expérience du revenu de base dans un petit village brésilien, la démonstration pédagogique du parcours d’un migrant…
Beaucoup ont d’ailleurs mis l’accent sur les modes de transmission pédagogique. Une militante, après avoir participé à une activité sur la Palestine basée sur un jeu simulant l’expérience des check-points, a souligné que cela permettait de comprendre une situation bien mieux que les grandes projections géopolitiques. Les participants se sont aussi accordés sur le fait que les ateliers-conférences restaient souvent à la surface des choses, les modes interactifs et participatifs étant les seuls à permettre de creuser, d’approfondir, de donner des traductions concrètes… Mais c’était déjà aborder le thème de la deuxième table de travail, celle dédiée aux nouvelles pratiques.

Nouvelles pratiques

Le terme « pratiques » pouvait désigner aussi bien des alternatives concrètes que des outils de débat, de démocratie ou d’animation de débat. Visiblement, les participants français ont d’abord été sensibles à ces outils puisque ce sont eux qui ont été évoqués d’emblée. On peut notamment citer l’utilisation de Moocs, l’usage du théâtre-forum (sur la question des migrants), le jeu proposé par le MFRB sur la valeur d’échange, la pratique du débat mouvant, le recours aux « mamies déchaînées » pour animer les manifestations ou encore la technique dite « de la boule de neige » pour modérer un débat. Cela prouve l’intérêt pour des méthodes ludiques et interactives, qui permettent de sortir du sempiternel exposé oral. Beaucoup ont d’ailleurs ajouté avoir l’intention de transférer tel ou tel outil dans leur propre pratique, de retour en France…
Les alternatives concrètes n’ont tout de même pas été oubliées. Certains ont évoqué le « frigo communautaire » du Québec, d’autres les boîtes à outils partagés, ou les « ruelles vertes », ou bien les épiceries solidaires bios, ou encore les actions de désobéissance civile telles, au Québec, les occupations joyeuses de banques. Sans oublier la multiplicité de logiciels libres mobilisés sur toutes les facettes de l’activisme.

Nouveaux réseaux

Les personnes présentes à la table ont d’abord dressé un bilan globalement positif des assemblées de convergence même si certains estiment qu’on n’est pas allé jusqu’au bout de la démarche faute d’outils méthodologiques adaptés.
Le Sri-Lankais Francis Raajan, coordinateur national du Mouvement national de solidarité avec les pêcheurs (NAFSO), a fait part de sa satisfaction : le Forum de Montréal lui aura permis de tisser des relations avec des militants québécois de l’agriculture urbaine, qui vont venir lui rendre visite au Sri-Lanka avant de se lancer dans un partenariat.
Même constat positif sur la thématique de l’extractivisme : les activistes de plusieurs pays ont décidé la mise en place d’échanges de données, notamment sur les mensonges utilisés pour convaincre les populations du sud de l’intérêt des marchés d’échanges de carbone. Et sur la surveillance des éventuels dévoiements de l’aide publique au développement vers des projets inutiles.
Enfin, concernant les biens communs, des jeunes de la délégation CCFD se sont réjouis d’avoir assisté à la mise en place de réseaux « décloisonnés » entre différentes facettes : éducation, numérique, économie sociale et solidaire….

Gus Massiah : « Faire une plus grande place aux mouvements de lutte »

Pour les trois-quarts des participants français, il s’agissait là de leur premier FSM. Gus Massiah leur ayant demandé de signaler, à mains levées, quelle était leur impression générale, un tiers environ se sont déclarés plutôt critiques et déçus, un tiers ont exprimé une position mitigée, un tiers se sont dits très satisfaits.
« La critique fondamentale que l’on peut faire à ce FSM, c’est le refus des visas, a admis Gus. La responsabilité des organisateurs québécois et du Conseil international est engagée. Et cela hypothèque l’idée d’autres forums dans le Nord. » L’altermondialiste français, membre du Conseil international, a aussi admis que « deux forums trop rapprochés l’un de l’autre (2015 et 2016), ce n’était pas une bonne idée ». Du coup, le prochain FSM, qui sera décidé à la prochaine réunion du Conseil à Porto Alegre en janvier prochain, devrait n’avoir lieu qu’en 2018 ou 2019. Plusieurs villes ou pays (Brésil, Dakar, Barcelone, Tunisie, Maroc…) sont déjà sur les rangs… à moins que le choix ne soit fait en faveur d’un forum polycentrique.
Du côté des points positifs, Gus Massiah a applaudi la belle réussite du Forum mondial des médias libres : « La bataille que nous avons à mener est une bataille sur les valeurs, et les médias ont un rôle central à jouer là-dessus ». Il s’est réjoui du « très bon niveau de débat, ce qui prouve qu’il y a une forte maturation ». Il a aussi noté « une certaine gravité, liée à la prise de conscience d’une situation mondiale difficile, avec notamment la montée des mouvements xénophobes. Il y a eu quand même une belle dynamique, que ce soit sur la résistance ou sur les alternatives. » Beaucoup de questions se posent sur la stratégie des mouvements sociaux face à cette nouvelle donne et à leurs relations avec les différentes formes du politique. Affirmant qu’il fallait « réinventer le Forum », Gus a conclu que cela passait notamment par « une plus grande place donnée aux mouvements de lutte ».
Après avoir remercié toute l’équipe du Crid, notamment Camille et Merzouk, les deux piliers de l’organisation, les participants français ont enchaîné avec une soirée festive avant de se séparer.

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